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« Aujourd’hui, tout journaliste chinois doit informer sa hiérarchie avant de rencontrer un Occidental » : extraits de « Cinq ans dans la Chine de Xi Jinping »

Bonnes feuilles. Qu’ils travaillent au sein du bureau d’information du Conseil d’Etat, dans une province, ou pour un média dépendant du parti, qu’ils soient fonctionnaires ou journalistes importe finalement assez peu : sous des apparences différentes, tous ces Chinois sont, in fine, au service du gigantesque appareil de propagande créé au fil des décennies par les maîtres de Pékin. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est ce que tous les manuels leur rappellent constamment. Ces Chinois présentent souvent le même profil. Ce sont d’anciens premiers de la classe qui ont fait des études supérieures, pratiquent en général un bon anglais et ont été repérés dès l’université par le parti.
Certains sont des stars. Un présentateur TV très connu se permet, dit-on, de réclamer 500 renminbis (yuans) (environ 64 euros) aux fans qui lui demandent un selfie dans la rue. Mais ce jeune homme constitue une exception. Les petites mains de la propagande sont en général consciencieuses et peu connues du grand public. Leur rôle, elles le savent, ne consiste pas à prendre la moindre initiative, loin de là, mais à diffuser une information validée par leurs supérieurs hiérarchiques. « En Chine, un bon journaliste ne cherche pas à être celui qui apporte une information exclusive à son chef, mais celui qui a le meilleur accès aux dirigeants », me décrypte l’un d’eux.
De fait, les propos du journaliste chinois le plus connu en Occident, Hu Xijin, ancien directeur du Global Times, ne sont pas suivis à la loupe parce qu’ils sont particulièrement intelligents, mais parce qu’ils sont supposés refléter ce que pense le pouvoir. Les journalistes chinois ne représentent que des porte-parole. Lors d’une visite au siège de plusieurs médias en février 2016, Xi Jinping a été on ne peut plus clair : « Les médias dirigés par le parti et l’Etat constituent l’avant-garde de la propagande. Le parti est leur nom de famille. » En novembre 2023, lors d’une cérémonie au cours de laquelle ont été distingués les « meilleurs » journalistes chinois, Cai Qi, le responsable de la propagande au sein du comité permanent du bureau politique, a donné l’ordre à l’élite de la presse chinoise de « renforcer la propagande positive en mettant l’accent sur la confiance ».
Alors, qui a été désigné meilleur journaliste de l’année ? L’équipe de télévision qui a couvert le discours prononcé par Xi Jinping lors de l’ouverture du XXe congrès du Parti communiste [PCC]. Un grand moment de journalisme aux ordres, en effet ! En plus d’« informer » le public grâce à des informations « positives », les « journalistes » – les guillemets s’imposent – de Xinhua, l’agence de presse Chine nouvelle, ont même une seconde mission : rapporter à Pékin ce qu’ils voient et entendent sur le terrain. Lorsqu’ils se rendent en province, ils rédigent des articles politiquement corrects que vont reprendre les médias d’Etat, mais aussi envoyer des dépêches aux dirigeants en principe plus fidèles à la réalité. En janvier 2020, à Wuhan, le même journaliste rassurait la population en expliquant que le nouveau virus (le Covid-19) ne se transmettait pas entre les humains et, dans le même temps, présentait la thèse inverse à Pékin.
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